Du jour au lendemain, j’ai vu mon petit monde à moi s’écrouler en une simple décision, le Canada ne participera pas aux prochains Jeux Olympiques. Participer aux jeux Olympiques a toujours été un rêve et une immense source de motivation quotidienne. Le simple fait de penser que mes objectifs soient réalisables et atteignables m’aidaient à me dépasser tous les jours à l’entrainement et à garder le focus sur ma cible. Même si plusieurs pouvaient penser que j’étais irrationnel dans mes objectifs fixés ainsi que mes choix faits, cela ne m’a jamais empêché de m’investir en ce que je croyais être ma destinée, soit de tenter ma chance vers les anneaux Olympiques, peu importe ce que ça impliquerait. En fait, après mes études à l’Université de Sherbrooke terminées en 2017, je voulais accomplir ce que mes deux parents avaient réussi, soit de participer aux Jeux Olympiques. Étant champion canadien aux 400m haies, je pouvais m’imaginer, de manière assez réaliste à mes yeux, accomplir cet exploit.

 Pour moi, 2020 était l’aboutissement d’un grand projet dans lequel j’avais investi beaucoup de temps, d’énergies et de sous. Depuis Janvier 2018, je passais la majorité de l’année en Europe, plus précisément à Montpellier qui se situe dans le sud de la France. La grande partie de ma préparation physique se faisait à cet endroit, ainsi que le début de la saison de compétition. Je passais simplement quelques mois au Québec au cours de l’année. J’avais joins un groupe professionnel formé d’une douzaine d’athlètes et d’un coach incroyable, avec qui je partageais la même passion, l’athlétisme, ainsi que des objectifs similaires. Somme tout, l’atteinte de mes objectifs ou non, allait pouvoir me prouver que j’étais allé jusqu’au bout, pour ainsi pouvoir sortir la tête haute, sans aucun regret. Vivre à l’étranger sur une aussi longue période de temps n’a pas toujours été facile. Plus précisément, m’éloigner, m’isoler loin de mon entourage, mettre sa carrière professionnelle sur la glace, entretenir mes relations à distance avec mes proches, je percevais tout ça comme étant des sacrifices difficiles, mais nécessaires. Au final, j’ai toujours gardé en tête que faire ce que tu aimes au quotidien, ça n’a tout simplement pas de prix. Il est certain que les moments passés, les individus rencontrés ainsi que les expériences vécues resteront à jamais graver dans ma mémoire.

 Si on retourne quelques semaines plus tôt, j’étais en camp d’entrainement en Afrique du Sud les deux semaines précédant mon retour à Montréal le 20 Mars. Pour être honnête, j’avais, surement comme plusieurs personnes, de la difficulté à comprendre la situation à laquelle le monde entier fait présentement face. J’avais beau lire et écouter les nouvelles à tous les jours, jamais je n’aurais pu me douter de l’ampleur des évènements. Insouciant, peut-être, mais il reste que je ne me sentais pas en danger ou même concerné face à cette menace. Lorsque tout a commencé au Canada et Québec, je vivais dans un environnement où tout suivait son cours normal puisque l’Afrique du Sud n’avait encore eu aucun cas.

 Ça n’a pas été facile pour moi d’accepter la situation, encore plus considérant que nous étions à quelques mois des Jeux. De plus, je connaissais pour la première fois, une préparation complète en vue de la saison soit sans aucune blessure, ni embûche. Le camp en Afrique était de loin mon camp d’entrainement intensif le plus fructueux sur le plan physique et psychologique, ce qui me permettait d’être optimiste face à la saison estivale de 2020. Comme premier réflexe, je voyais à ce moment, pas tellement plus loin que le bout de mon nez, uniquement l’impact sur ma saison et sur ma forme physique. Surtout, je remettais en question le pourquoi de mes investissements des dernières années. Au point tel que j’étais prêt à tout pour rester en Afrique du Sud, pour continuer à m’entrainer le plus longtemps que cela serait possible. Je voyais les possibilités de m’entrainer en France ou à la maison disparaitre tranquillement, pendant qu’ici tout était toujours accessible. Ainsi, je me demandais pourquoi ne pas être dans un environnement favorable à l’atteinte de mes objectifs pendant qu’il en était encore possible. Il a fallu l’intervention de ma famille et de mes proches pour, premièrement, de décider à revenir à la maison et ensuite concrétiser mon retour à Montréal. Cela démontre à quel point j’avais un ‘’tunnel vision’’. Grâce à eux, j’ai pu rentrer sain et sauf et mettre les pieds au Canada pendant qu’il en était encore temps.

 Encore à l’aéroport en direction de Montréal le 20 mars, jamais je n’aurais envisagé que le report des Jeux Olympiques était une option possible pour quiconque. J’essayais d’imaginer des solutions pour pouvoir m’entrainer dans les meilleures conditions sachant même que tout était fermé. Ce qui me hantait le plus, c’était d’imaginer mes concurrents s’entrainer dans un environnement qui n’était pas touché par les mêmes contraintes et difficultés que les miennes. Ce qui m’aurait donc amené à être en désavantage vis-à-vis eux. Une fois rentré, cela m’a pris quelques jours avant de réaliser l’étendu du virus. Ainsi, c’est à ce moment que j’ai compris que le problème était beaucoup plus grand que le simple impact qu’il avait sur ma petite sphère, sur mon entrainement plus précisément. Quoique dur à avaler, je m’imaginais déjà ne pas être en mesure de faire de compétitions cet été.

Le retrait du Canada des Jeux Olympiques a été une décision crève-cœur pour ma part. J’aurais bien vécu avec le fait de ne pas participer aux Jeux après avoir mis toutes les chances de mon côté. Comme j’ai dit précédemment, j’aurais pu mettre fin à ma carrière sportive sans regret. Cependant, ne pas participer en raison d’une décision prise pour laquelle je n’avais aucun pouvoir et donc qui anéantissait l’entièreté de mes investissements des dernières années, ça jamais. Avec du recul, je comprends et supporte la décision prise par le Comité Olympique Canadien. Malgré qu’il ne s’agisse pas d’une décision facile, c’était la seule décision logique qui met l’athlète et la santé publique de l’avant.

Je vous mentirais si je vous disais que le report des Olympiques à 2021 quelques jours plus tard ne m’a pas soulagé et ne m’a pas redonné une lueur d’espoir. Il est encore tôt pour prendre une décision en ce qui concerne mes prochains 16 mois. En fait, je veux prendre une décision réfléchie une fois que ma vague d’émotions sera descendue, que j’aurais les idées claires et que, surtout, la situation entourant le Covid-19 le permettra.

 Until then, stay home and safe!

Gab Slythe